Comment les Français gèrent leur budget : Témoignage d’Émilie, conseillère bancaire

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Émilie, 30 ans et conseillère financière dans une banque (dans le 77), a observé pendant 6 ans la manière dont les Français gèrent leur argent. Son témoignage va probablement vous étonner car il brise certains mythes et dresse un portrait nuancé de la situation.

Au cours de votre carrière, qu’avez-vous observé sur la manière dont les Français gèrent leur budget ?

Tout d’abord, j’ai constaté que ce ne sont pas les personnes qui gagnent le plus d’argent qui gèrent le mieux leur budget. J’ai dans mes clients des personnes gagnant très bien leur vie et qui sont très souvent à découvert.

Ce matin, j’ai d’ailleurs entendu à la radio une enquête qui stipulait qu’aujourd’hui, suite à la crise financière, 1 Français sur 4 est à découvert en fin de mois. Même des personnes gagnant plus de 3000 €/mois ont des difficultés financières.

Et dans votre clientèle ?

J’ai effectivement certains clients qui ne gèrent pas leurs dépenses, surtout au niveau de l’utilisation de la carte bancaire. Certains clients ont du mal à définir leurs priorités. Ils vont par exemple faire des dépenses sans faire attention à conserver l’argent nécessaire au paiement de leur loyer.

On imagine pourtant généralement que le loyer est un problème uniquement pour les personnes en grande difficulté...

C’est aussi le cas, mais cela peut également être un problème de gestion budgétaire. Aujourd’hui la crise est souvent citée par nos clients. Lorsque je les appelle, ils me répondent que la crise les a heurtés, que tout augmente excepté leur salaire. C’est certes le cas, mais j’ai tout de même constaté d’importants problèmes de gestion en amont. Ils n’établissent pas de priorités dans leurs dépenses.

Parmi mes clients, certains ne suivent pas leur compte. Aujourd’hui on peut très facilement accéder à ses comptes sur internet, mais certains ne vérifient pas où ils en sont au cours du mois. Pour avoir une bonne gestion, il est nécessaire de regarder ses comptes au moins une fois par semaine. On ne peut pas gérer son budget en ne regardant ses comptes qu’une seule fois par mois.

Bien évidemment, beaucoup de mes clients sont de bons gestionnaires et connaissent parfaitement la situation de leurs comptes. Il ne faut pas tout généraliser.

Parmi les clients en difficulté, certains ne sont pas de bons gestionnaires mais d’autres traversent une période difficile suite à un accident de la vie (chômage...). De plus, du mois d’août jusqu’à décembre la situation financière devient compliquée à cause de la rentrée des classes, des impôts sur le revenu, de la taxe d’habitation, de la taxe foncière. Cela représente beaucoup de dépenses en peu de temps.

Vous avez donc constaté que vos clients étaient plus en difficulté au deuxième semestre de  l’année ?

Dans mon métier j’ai constaté qu’ils étaient surtout en difficulté au dernier trimestre. Il y a d’abord le paiement des impôts et ensuite les fêtes de Noël. En France, les gens ont beaucoup de mal à sacrifier leur budget pour les fêtes, ce que je comprends.

Cependant, ce sont des dépenses qui reviennent chaque année. Vos clients ne se préparent-ils pas en épargnant tout au long de l’année ?

Je conseille effectivement à mes clients d’épargner. Il faut savoir dans quel objectif on épargne. Il y a l'épargne de précaution, l’épargne pour les projets etc... Dans la majorité des cas mes clients n’épargnent pas dans un but précis. Ils mettent de l’argent de côté quand ils le peuvent, sans l’attribuer par exemple au paiement des impôts, aux financements des vacances etc...

Épargner pour des dépenses précises et souvent chroniques permet de ne pas être pris au dépourvu. J’essaie de sensibiliser mes clients à ce problème lorsque je leur ouvre un compte épargne. De plus, se fixer des objectifs les aide à maintenir leur effort d’épargne.

Chez Plénit’Finances nous apprenons à nos clients l’importance de « se payer d’abord », c’est-à-dire d’épargner en début de mois. Cela permet de générer une épargne régulière et abondante. Qu’avez-vous constaté quant au comportement de vos clients ?

Cela dépend. Je conseille toujours à mes clients d’épargner en début de mois. Cependant, certains épargnent en fonction de ce qu’il leur reste à la fin du mois.
Il faut également laisser des comptes disponibles dans lesquels on peut aller puiser si l’on a trop épargné ou si la nécessité se fait sentir.

En banque nous calculons la capacité d’épargne de nos clients et nous leurs présentons nos résultats à titre indicatif. Je conseille donc mes clients sur leur épargne mais je n’ai malheureusement pas la possibilité d’effectuer un suivi.

Dans mon métier j’ai également une partie de conseil en gestion du patrimoine (investissements, fiscalité etc..). Sur ce point les clients me font confiance et suivent mes suggestions.

Vous conseillez donc vos clients sur la gestion de leur patrimoine. Les aidez-vous également à générer l’épargne nécessaire à la constitution de ce patrimoine ?

Nous calculons leur capacité d’épargne mais nous ne leur donnons pas les moyens d’arriver à générer cette épargne. Dans ce cas, c’est plus d’une entreprise comme Plénit’Finances dont ils ont besoin. Il faut accompagner individuellement et sur le long terme les particuliers. Ils ne peuvent pas apprendre à gérer leur budget lors d’un ou deux rendez-vous. J’estime qu’ils ont besoin d’un suivi de 3 à 6 mois pour cela. Il est difficile pour les gens de changer leurs habitudes.

Qu’avez-vous constaté quant à la relation que les Français entretiennent avec l’argent ?

Il y a de grandes disparités. Certains clients sont très minutieux et s’interdisent d’être à découvert, même avec des revenus modestes. D’autres au contraire, dépensent sans faire attention et utilisent systématiquement leur découvert autorisé. Ils considèrent leur découvert autorisé comme une réserve d’argent leur appartenant. Les agios qu’ils doivent ensuite payer les mettent encore plus en difficulté. Cela devient un cercle sans fin.

Diriez-vous que le taux d’endettement de vos clients augmente ?

Oui le taux augmente car les clients contractent trop souvent des crédits revolving. Les banques en ligne ne respectent pas la règle du taux d’endettement maximal de 33% et prêtent à des clients qui auront de grandes difficultés à rembourser.

La multiplication des crédits à la consommation via les cartes des magasins est également un problème. Les clients sont poussés à consommer car ces crédits sont très faciles et rapides à obtenir. C’est généralement le début des problèmes.

Vos clients sont-ils plus en difficulté selon les différents âges de leur vie ?

Ce qui est certain c’est que mes clients ont plus de dépenses lorsqu’ils ont des enfants. Entre 0 et 3 ans la garde d’enfant est un réel budget. Ensuite, la situation devient difficile lorsque les enfants atteignent 18 ans car les études ainsi que le permis de conduire sont chers.

La fiscalité joue-t-elle aussi un rôle dans les difficultés de vos clients ?

Oui. Les pouvoirs publics n’aident pas les Français en augmentant autant les taxes et les impôts. La fiscalité est un sujet sensible pour mes clients, ils se sentent parfois écrasés. Les gens n’arrivent pas à prévoir le montant de leurs impôts. Je conseille toujours à mes clients d’anticiper leurs impôts et de calculer le montant sur le site du gouvernement.

La fiscalité est un point très important à prendre en compte pour gérer son budget. Cependant, la fiscalité française étant très compliquée, les gens auraient besoin d’être bien plus accompagnés à ce sujet.

Nous tenons à remercier chaleureusement Émilie de nous avoir accordé cette interview. Elle apporte un éclairage nouveau et concret sur la manière dont les Français gèrent leur budget.

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